samedi 16 janvier 2016

Orion - La Face Visible

Orion - La Face Visible (09/2015)
L'histoire d'Orion, c'est un peu l'histoire d'un groupe qui n'a pas eu de chance, qui s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, dû à un léger problème de timing. Fin des années 60 / début des années 70, le rock progressif est en pleine explosion. Il ne faut pas louper le coche. Si ce sont les anglo-saxons qui mènent la danse (comme toujours...), quelques-uns en France arrivent à se faire une petite place: Ange, Magma, Triangle et Gong sont ceux qui connaissent la plus grande notoriété. Parmi ceux qui se bousculent derrière pour se frayer un espace dans la lumière, Orion, groupe originaire de la banlieue parisienne. Formé sur le tard, en 1975, et malgré le succès rencontré lors de ses concerts, le groupe tarde à trouver une maison de disque prête à sortir leur 1er album. 1977, la vague punk déferle avec comme objectif renvoyer les progueux chez eux et leur botter le Q. Les gars d'Orion parviennent quand même à sortir "La Nature Vit, l'Homme lui Critique" en 1979, autant dire après la bataille... Le groupe se sépare un an plus tard, avant la sortie du 2ème album "Mémoires du Temps". Et c'est bien vrai que le temps a de la mémoire. En 2010, soit 30 ans après, Patrick Wyrembski et Janusz Tokarz, deux des membres fondateurs, tentent le pari de sortir l'album mort-avant-d'être-né, en restaurant les bandes d'époque. Le ballon d'essai n'explose pas en vol, "Mémoires du Temps" est bien accueilli. Ce qui peut être expliqué par deux raisons: 
1. le prog est intemporel... oui mais pour cela il faut que
2. les compositions tiennent la route.
Orion se "reforme" alors autour du duo Patrick/Janusz pour composer de nouveaux titres et sortir ce nouvel opus, "La Face Visible" (2015).
Ce concept-album, centré sur la dénonciation de toute forme de totalitarisme, s'inspire du propre vécu des deux musiciens (exilés en France depuis leur Pologne natale durant leur enfance) en prenant pour point de départ la chute du mur de Berlin. Pour évoquer la Liberté, ils ont voulu mettre en avant leurs émotions, et pour cela ont privilégié la mélodie et la douceur plutôt que l'énergie ou la violence. L'accent est donc mis sur les claviers et les boîtes à rythmes, ce qui donne à l'album un côté nettement electro "soft", aux couleurs fortement jazz-rock. Les guitares ne sont pas dans la démonstration, loin de là. Discrètes, elles sont le plus souvent en soutien des claviers. C'est un peu dommage, dans le sens où, lorsqu'elles s'expriment ("La Face Visible", "De l'Autre Côté du Rideau de Fer", "Résistance", "Puis un Jour on m'a Dit") elles font preuve d'une belle élégance et d'une grande délicatesse. Ce parti-pris prog-electro à consonance "d'époque" (chute du mur) a pour effet de donner une ambiance très "vintage", et pas toujours dans le bon sens du terme: certains sons de synthé qu'on était content de ne plus avoir à subir sont de retour ("La Dernière Danse in Berlin" et "Stèle Blanche", j'ai vraiment du mal !...). 
Presqu'entièrement instrumental, il est cependant difficile de faire un concept-album sans quelques parties chantées, histoire justement de définir le concept. Et là, ça se complique... Alors ok, je ne sais pas où j'ai mal: je suis le premier à râler quand j'entends un groupe français chanter en anglais. Et ici, quand j'en tiens un qui (enfin !) chante en français, je maronne encore. Faudrait savoir ! 
Je ferais juste deux (petites) remarques: le "chant" en lui-même, monotone, uniforme et répétitif. En un mot, triste. Je suppose que c'est volontaire, histoire de coller au côté "mélancolique / triste" de la chose. Si c'est bien l'idée, c'est réussi. M'enfin, on peut être triste et mélancolique en variant la tonalité et en montant de temps en temps dans les octaves et les décibels...
La deuxième remarque est plus proche de la galéjade, et se situe au niveau des textes. Enfin, surtout celui de "Le Singe de la Vie". Je cite (accrochez-vous): "Un chimpanzé est assis sur un arbre de St Germain / Tenant à la main le fusil qui tire les ficelles du lendemain. / Un éléphant vole là-haut autour du Sacré-Cœur / Surveillant le Parlement vivant dans la honte et la peur".
Je me moquais il y a quelques mois des textes du dernier album des Innocents ("Mandarine"); et je pensais avoir affronté le pire avec certains textes de Thiéfaine (au hasard: "les dingues et les paumés s'arrachent leur placenta / et se greffent un pavé à la place du cerveau / puis s'offrent des mygales au bout d'un bazooka / en se faisant danser jusqu'au dernier mambo"). Mais là, le coup du chimpanzé parisien et de l'éléphant volant... fort.
Assez loin de ce que proposait le groupe avec "Mémoires du Temps", il est difficile ici de parler d'album prog tant les structures des morceaux sont linéaires. Mis à part le premier titre "La Face Visible" avec ses presque 10 minutes et son changement de rythme à mi-parcours, et "Résistance" (mon préféré), tous les autres titres sont homogènes. Pas de montée(s) en puissance, d'alternances de tempos ou d'ambiances. L'atmosphère reste la même de bout en bout, ce qui, là aussi, est sans doute la volonté de coller au plus près du concept de l'album. On parlera donc plutôt d'album soft, à la croisée de l'electro, du jazz-rock, voire de l'easy-listening. Bref, un album relaxant et reposant. 
Le groupe dit être en phase de préparation d'un nouvel album, avec retour aux sources de leurs racines prog. Inutile de dire qu'on suivra ça avec intérêt !


J-Yves

3/5: *****


Album en vente et en écoute sur bandcamp: la-face-visible








ORION: www.groupeorion.net
Janusz Tokarz: Chant, Claviers
Patrick Wyrembski: Guitares, Basse
Michel Taran: Claviers, Batterie
Pierre-Jean Horville: Guitares, Basse
Alain Pierre: Guitares

La Face Visible
1. La Face Visible (9:36)
2. Quelque Part En 1989 (6:41)
3. La Dernière Danse in Berlin (3:39)
4. De l'Autre Côté du Rideau de Fer (5:17)
5. Puis un Jour on m'a Dit (7:00)
6. Résistance (4:00)
7. Stèle Blanche (3:30)
8. Le Singe de la Vie (5:12)




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