Huminoita - All is Two (10/2015) |
Après un premier album "Huminoita" (2010), ce "All is Two" sorti en octobre dernier ne tombe qu'aujourd'hui dans nos oreilles. Encore un album passé entre les mailles du filet. Enfin, l'erreur est réparée, c'est le principal. Parce qu'il serait vraiment dommage de zapper cet opus, du moins si on est amateur de prog moderne et percutant.
On a (un peu trop, à mon goût) tendance à délivrer au seul Steven Wilson, aussi talentueux soit-il, tous les compliments et les encensements, à le considérer comme le seul actuellement à être capable de proposer un prog de haute volée, original et innovant. Bref, génial. Attention: ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit. Le gars en question, incontestablement, est l'un des rares à produire inlassablement et métronomiquement de purs joyaux. C'est clair qu'à ce niveau (régularité, fréquence, qualité), la concurrence est réduite, à tout le moins...
Par contre, en ce qui concerne l'originalité, l'innovation et la singularité, il est loin d'être le seul. Des gens à la technique irréprochable, il y en a beaucoup. Capables de composer une musique originale, différente, hors des sentiers battus, il y en a nettement moins. Vous arracher du quotidien pour vous transporter quelque part à mi-chemin entre la cime des arbres et la nuit étoilée, j'en connais personnellement très peu. Huminoita en fait désormais partie.
Définir leur style musical n'est pas chose facile. Il serait faux de croire qu'une fois qu'on a dit qu'il s'agit de post-rock instrumental on a tout dit. Car c'est beaucoup plus que ça. S'il y a de fortes connotations doom-metal, il y a aussi des touches de rock atmosphérique et de jazz. Oui, à lire, ça fait un sacré mélange !.. Si on y ajoute des structures à géométrie variable, des morceaux aux ambiances et aux rythmes changeant qui s'étirent entre 5 et 10 minutes, on en conclut facilement qu'on nage en plein progressif digne de ce nom.
Difficile de sortir un titre du lot. On aime la légèreté de la lente progression de "The Sheriff", qui se transforme peu à peu en lourdeur purement sabbath-ienne avec son riff épais et pesant. Si le "Hymn 23" qui suit est lui aussi basé sur une progression linéaire, les inconditionnels de prog expérimental et psychédélique de la première époque se délecteront du fantastique "The Pilgrim", magnifique pièce de 6'30 dans laquelle on retrouve tout ce qui a fait le charme du King Crimson et du Van Der Graaf qu'on prenait tant plaisir à écouter: la délicatesse du saxo et de la flûte qui s'effacent pour laisser la place à une guitare débridée qui lâche les chevaux, avant qu'un clavier à sonorité jazz-rock ne vienne calmer tout le monde. On se dit qu'on a alors atteint le sommet de l'album, mais arrive "King of Hearts" et ses 10 minutes où la rugosité de la première partie alterne avec la douceur et la sensibilité de la deuxième (partie) pour terminer par un final réunissant les deux. Après ces 2 claques, l'atterrissage s'effectue en douceur avec le titre le plus calme et le plus lent de tous. Il nous fallait bien ça...
Je n'ai pas résisté longtemps à cet album, comme cela avait été le cas pour le dernier God is an Astronaut. Un titre comme "Goliath" fait penser à la période "All is Violent, All is Bright" / "Age of the Fifth Sun" par certains côtés. Il y a l'aspect musical bien sûr, mais aussi cette impression de voyage, de transport, d'être emmené "ailleurs".
Enregistré au milieu de nulle part dans une école désaffectée, dans les conditions du direct, c'est-à-dire brut et sans effets de production, il faut chercher la petite bête pour trouver un défaut. S'il fallait donc apporter un bémol à ce "All is Two", il se situerait juste au niveau des voix (utilisées comme instrument, il n'y a pas de chant), qui n'ont pas de réelle valeur ajoutée dans la façon dont elles sont traitées (cf. "The Sheriff" et "Hymn 23"). Un léger manque de relief, ou de hauteur peut-être... mais pas de quoi en faire un drame. Et la qualité de l'ensemble ne s'en trouve nullement affectée.
Moderne dans son approche mais classique dans sa réalisation, puissant, mélodieux et dont l'écoute ne demande pas d'efforts particuliers, on a ici un album qui devrait transporter l'auditeur d'un souffle à la fois léger et rafraîchissant. Comme le vent dans les branches des arbres.
J-Yves
4/5: *****
A noter: Huminoita sera à Lille le 28/5 et à Strasbourg le 31/5 (à confirmer).
All is Two - huminoita.bandcamp.com
1. The Sheriff (6:54)
2. Hymn 23 (5:30)
3. Goliath (5:20)
4. The Pilgrim (6:30)
5. King of the Hearts (10:45)
6. Hymn 24 (4:47)
Huminoita - www.facebook.com/huminoita
Ville Mäkäräinen: guitar, flute, synthesizer, vocals
Timo Keränen: guitar, percussion
Ville Mäkinen: bass
Jonne Ketola: drums
Matti Salo: saxophone, keyboards, synthesizer, vocals
Additional artists:
Laura Lehtola: vocals (1,4,6)
Oula Karppinen: saxo, trumpet (5)
Photo: (c) Huminoita
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