dimanche 24 janvier 2016

Morgane Imbeaud - Les Songes de Léo

Morgane Imbeaud - Les Songes de Léo (11/2015)
Avec cette chronique, on termine le chapitre estampillé "albums 2015". Jusqu'à preuve du contraire.
Et une fois de plus il s'agit d'une chronique un peu spéciale, dans le sens où elle ne concerne ni un album de prog, de folk ou plus généralement de rock, mais un conte musical pour enfants !
Je tiens à rassurer tous mes proches: je vais bien, je pense avoir encore toute ma tête, et ne vous inquiétez pas je fuis toujours autant les Fréro Delavega, Maître Gims ou les frères Maé (Christophe et Stro)...
Alors pourquoi un conte musical pour enfants !? pour 2 raisons:
D'abord, "conte musical (ou albums) pour enfants" ce n'est pas une insulte, ni une injure. Comme partout, il y en a des "bons" et des "mauvais". Mauvais est un terme maladroit; disons plutôt simplistes ou superficiels. On y classe ceux qui s'adressent uniquement aux enfants, au premier degré, ce qui les rend insupportables aux parents qui doivent faire preuve d'une zénitude et d'une sérénité à toute épreuve pour endurer l'écoute ou la vue du spectacle. Dans cette catégorie on peut répertorier sans hésiter Chantal Goya et Dorothée. Pour ma part, j'ai gardé quelques séquelles d'écoutes répétées des albums "Le Beau Tambour" et "Les Bêtises" d'Henri Dès... Dans les "bons" contes (qui font les bons amis, je sais), on citera volontiers "Emilie Jolie" de Philippe Chatel. Pour les albums, retenons-en certains d'Yves Duteil ou du regretté Henri Salvador.
Deuxième raison, et pour tout dire la principale: "Les songes de Léo" est l'oeuvre de Morgane Imbeaud, surtout connue pour être la moitié féminine de l'excellent duo de pop-folk Cocoon (souvent cité comme référence dans ce blog), la moitié masculine étant Mark Daumail. Après avoir enregistré 2 albums stratosphériques, "My Friends All Died in a Plane Crash" (2007) et "Where the Oceans End" (2010), modèles du genre en terme de mélodies, de musicalité et d'harmonies vocales, le duo a décidé de faire une pause (le 3ème album est en cours d'enregistrement, on espère le voir sortir dans le courant de l'année). De son côté, Mark a sorti un EP, "Mistaken" en 2014, dans un genre electro assez dansant, proche en cela d'un The Dø. Morgane, elle, a choisit le travail en 3D en quelque sorte, en proposant un conte musical sous 3 formats différents: bande dessinée, album et la réunion des 2 sous forme d'un spectacle. Pour la partie musicale, elle s'est associée avec l’auteur-compositeur-interprète Jean-Louis Murat, avec lequel elle coécrit 6 des 13 titres de l'album-conte. Ces deux-là se connaissent, Morgane ayant travaillé sur l'album de Jean-Louis "Babel" en 2014. Pour la partie graphique, c'est l’auteur-dessinateur de bandes dessinées Chabouté qui s'y colle. Je vais être honnête: je suis incapable de citer un seul album de Chabouté. En même temps, mon niveau BD se résume à Tintin et Astérix....

Au niveau du conte lui-même, il raconte l'histoire de Léo, petit garçon-félin au regard triste qui pourrait ressembler à beaucoup d’autres, mis à part qu'il n’a qu’une seule oreille pour entendre le monde qui l’entoure. Comme toute marque distinctive, elle lui cause des problèmes: il est mis à l’écart par les autres, les "normaux". Isolé, il rencontre un jour une petite boule de plumes blanches qu’il suivra pour un long voyage initiatique à travers les ombres qui peuplent la forêt.
Morgane s'adresse aux enfants, mais aussi aux parents. L'initiation, la différence, l'acceptation de soi, la solitude, la découverte, la curiosité sont les thèmes abordés. Très poétique, onirique et féerique, on se laisse bercer par la douceur et la mélancolie de la musique et des textes. Mise à part "Ma Nature", plage entièrement instrumentale, toutes les autres sont chantées, parfois même en anglais ("We Were", "My World" et un long passage de "Je n'ai Plus Peur"). Le rythme de l'ensemble est lent, à l'image des aventures de Léo qui n'ont rien d'une course contre la montre !.. L'orchestration est elle aussi discrète, presque minimaliste: piano, electro, instruments à corde. Ce n'est pas à une farandole ou une ronde que nous invite Léo, mais plutôt une introspection, un voyage intérieur. Ajoutons à cela la voix fragile et timide de Morgane, presque frêle, mais surtout sensible et délicate. 
On en arrive alors à ce constat: album lent (très), intimiste, bilingue, absence de comptines. Les enfants sont-ils réellement concernés ?
Le mieux est de laisser la parole à Morgane elle-même (*): 
"Lorsque j’ai écrit ce projet, je n’ai pas pensé aux enfants. Au départ, je voulais surtout passer un message auprès des personnes adultes, dans lesquelles sont enfermées les angoisses et les peurs d’enfant. Finalement, ce projet s’adresse à tout le monde, de 10 à 77 ans. Le but est vraiment de banaliser les peurs, les angoisses, le stress, cette solitude qu’on ressent face à ces soucis que l’on rencontre quelquefois au cours de notre existence. On vit dans un monde anxiogène, dans lequel on nous fait croire que rien n’est plus important que ce que nous faisons, qu’il faut devenir quelqu’un; et on oublie parfois que nous ne sommes rien et, de ce fait, tous égaux."

Ces Songes s'apprécient au fur et à mesure des écoutes, ce qui les différencient des albums "premier degré" dont il était question au début de cette chronique. Un conte musical déroutant au premier abord, l'auditeur s'attendant à des sonorités et des rythmes plus "enfantins". Mais un conte qui saura attendrir et émouvoir ceux qui ont gardé une sensibilité d'enfant...


J-Yves


4/5: *****





LES SONGES DE LEO - Teaser from BISCUIT PRODUCTION on Vimeo.



(*) http://www.indiemusic.fr/2015/11/09/morgane-imbeaud-les-songes-de-leo-interview/



Les Songes de Léo 
1. La Découverte (4:11)
2. Léo (3:19)
3. Je Dois te Laisser Seul (3:19)
4. En Nuit Noire (3:27)
5. Pardonnez-moi si Je Rêve (2:53)
6. Tu Suis mon Coeur (3:26)
7. Ma Nature (2:59)
8. We Were (3:05)
9. Je suis ton Corps (3:04)
10. Jerk (2:40)
11. Amour Suis-moi (4:52)
12. My World (3:57)
13. Je n'ai Plus Peur (3:29)

morganeimbeaud.fr
Morgane Imbeaud: piano, voix
Benjamin "Waxx" Hekimian: guitares, basse
Matthieu Joly: claviers, programmation
Guillaume Bongiraud: Violoncelle
Emilie Bongiraud: violon
Julien Quinet: trompette


illustration: (c) Chabouté




samedi 16 janvier 2016

Orion - La Face Visible

Orion - La Face Visible (09/2015)
L'histoire d'Orion, c'est un peu l'histoire d'un groupe qui n'a pas eu de chance, qui s'est trouvé au mauvais endroit au mauvais moment, dû à un léger problème de timing. Fin des années 60 / début des années 70, le rock progressif est en pleine explosion. Il ne faut pas louper le coche. Si ce sont les anglo-saxons qui mènent la danse (comme toujours...), quelques-uns en France arrivent à se faire une petite place: Ange, Magma, Triangle et Gong sont ceux qui connaissent la plus grande notoriété. Parmi ceux qui se bousculent derrière pour se frayer un espace dans la lumière, Orion, groupe originaire de la banlieue parisienne. Formé sur le tard, en 1975, et malgré le succès rencontré lors de ses concerts, le groupe tarde à trouver une maison de disque prête à sortir leur 1er album. 1977, la vague punk déferle avec comme objectif renvoyer les progueux chez eux et leur botter le Q. Les gars d'Orion parviennent quand même à sortir "La Nature Vit, l'Homme lui Critique" en 1979, autant dire après la bataille... Le groupe se sépare un an plus tard, avant la sortie du 2ème album "Mémoires du Temps". Et c'est bien vrai que le temps a de la mémoire. En 2010, soit 30 ans après, Patrick Wyrembski et Janusz Tokarz, deux des membres fondateurs, tentent le pari de sortir l'album mort-avant-d'être-né, en restaurant les bandes d'époque. Le ballon d'essai n'explose pas en vol, "Mémoires du Temps" est bien accueilli. Ce qui peut être expliqué par deux raisons: 
1. le prog est intemporel... oui mais pour cela il faut que
2. les compositions tiennent la route.
Orion se "reforme" alors autour du duo Patrick/Janusz pour composer de nouveaux titres et sortir ce nouvel opus, "La Face Visible" (2015).
Ce concept-album, centré sur la dénonciation de toute forme de totalitarisme, s'inspire du propre vécu des deux musiciens (exilés en France depuis leur Pologne natale durant leur enfance) en prenant pour point de départ la chute du mur de Berlin. Pour évoquer la Liberté, ils ont voulu mettre en avant leurs émotions, et pour cela ont privilégié la mélodie et la douceur plutôt que l'énergie ou la violence. L'accent est donc mis sur les claviers et les boîtes à rythmes, ce qui donne à l'album un côté nettement electro "soft", aux couleurs fortement jazz-rock. Les guitares ne sont pas dans la démonstration, loin de là. Discrètes, elles sont le plus souvent en soutien des claviers. C'est un peu dommage, dans le sens où, lorsqu'elles s'expriment ("La Face Visible", "De l'Autre Côté du Rideau de Fer", "Résistance", "Puis un Jour on m'a Dit") elles font preuve d'une belle élégance et d'une grande délicatesse. Ce parti-pris prog-electro à consonance "d'époque" (chute du mur) a pour effet de donner une ambiance très "vintage", et pas toujours dans le bon sens du terme: certains sons de synthé qu'on était content de ne plus avoir à subir sont de retour ("La Dernière Danse in Berlin" et "Stèle Blanche", j'ai vraiment du mal !...). 
Presqu'entièrement instrumental, il est cependant difficile de faire un concept-album sans quelques parties chantées, histoire justement de définir le concept. Et là, ça se complique... Alors ok, je ne sais pas où j'ai mal: je suis le premier à râler quand j'entends un groupe français chanter en anglais. Et ici, quand j'en tiens un qui (enfin !) chante en français, je maronne encore. Faudrait savoir ! 
Je ferais juste deux (petites) remarques: le "chant" en lui-même, monotone, uniforme et répétitif. En un mot, triste. Je suppose que c'est volontaire, histoire de coller au côté "mélancolique / triste" de la chose. Si c'est bien l'idée, c'est réussi. M'enfin, on peut être triste et mélancolique en variant la tonalité et en montant de temps en temps dans les octaves et les décibels...
La deuxième remarque est plus proche de la galéjade, et se situe au niveau des textes. Enfin, surtout celui de "Le Singe de la Vie". Je cite (accrochez-vous): "Un chimpanzé est assis sur un arbre de St Germain / Tenant à la main le fusil qui tire les ficelles du lendemain. / Un éléphant vole là-haut autour du Sacré-Cœur / Surveillant le Parlement vivant dans la honte et la peur".
Je me moquais il y a quelques mois des textes du dernier album des Innocents ("Mandarine"); et je pensais avoir affronté le pire avec certains textes de Thiéfaine (au hasard: "les dingues et les paumés s'arrachent leur placenta / et se greffent un pavé à la place du cerveau / puis s'offrent des mygales au bout d'un bazooka / en se faisant danser jusqu'au dernier mambo"). Mais là, le coup du chimpanzé parisien et de l'éléphant volant... fort.
Assez loin de ce que proposait le groupe avec "Mémoires du Temps", il est difficile ici de parler d'album prog tant les structures des morceaux sont linéaires. Mis à part le premier titre "La Face Visible" avec ses presque 10 minutes et son changement de rythme à mi-parcours, et "Résistance" (mon préféré), tous les autres titres sont homogènes. Pas de montée(s) en puissance, d'alternances de tempos ou d'ambiances. L'atmosphère reste la même de bout en bout, ce qui, là aussi, est sans doute la volonté de coller au plus près du concept de l'album. On parlera donc plutôt d'album soft, à la croisée de l'electro, du jazz-rock, voire de l'easy-listening. Bref, un album relaxant et reposant. 
Le groupe dit être en phase de préparation d'un nouvel album, avec retour aux sources de leurs racines prog. Inutile de dire qu'on suivra ça avec intérêt !


J-Yves

3/5: *****


Album en vente et en écoute sur bandcamp: la-face-visible








ORION: www.groupeorion.net
Janusz Tokarz: Chant, Claviers
Patrick Wyrembski: Guitares, Basse
Michel Taran: Claviers, Batterie
Pierre-Jean Horville: Guitares, Basse
Alain Pierre: Guitares

La Face Visible
1. La Face Visible (9:36)
2. Quelque Part En 1989 (6:41)
3. La Dernière Danse in Berlin (3:39)
4. De l'Autre Côté du Rideau de Fer (5:17)
5. Puis un Jour on m'a Dit (7:00)
6. Résistance (4:00)
7. Stèle Blanche (3:30)
8. Le Singe de la Vie (5:12)




samedi 9 janvier 2016

Lion Shepherd - Hiraeth

Lion Shepherd - Hiraeth (11/2015)
Cette chronique et les quelques-une qui suivront concerneront encore des albums de 2015, car musicalement l'année a été particulièrement riche et de qualité. Musicalement. Parce qu'à part ça, on pourra quand même dire qu'on a eu le droit à une belle année de merde... Entre autre à cause de ce qui se passe en Syrie et en Irak. Précisément là où semble nous transporter le 1er titre de cet album, "Fly On" (ça c'est de l'enchaînement, ou je ne m'y connais pas !). A l'écoute de ce morceau, on visualise les étendues désertiques, les montagnes arides, les caravansérails... Étonnant, étrange, et beau.
Ce qui est d'autant plus étonnant c'est que le groupe qui joue, Lion Shepherd, est originaire de... Pologne !
Basé à Varsovie, Lion Shepherd est avant tout un duo: la rencontre du chanteur Kamil Haidar et du guitariste Mateusz Owczarek. Quel lien avec l'orient ? le père de Kamil est Syrien, et ils y ont vécu plusieurs années.
Hiraeth est leur 1er album. Composé de 10 morceaux pour un peu moins de 50 minutes, il a la durée idéale: on ne reste pas sur sa faim et on n'a pas non plus besoin de l'écouter en plusieurs fois pour laisser reposer notre attention. Musicalement, le côté oriental laisse rapidement la place à un (neo-)prog assez nerveux, limite metal tout en restant "soft". Disons qu'on est plus dans la frange Riverside / Pain of Salvation / Pineapple Thief que Myrath. Le chant de Kamil, proche de celui de Mariusz Duda (Riverside) surtout dans les ballades, est tantôt doux, tantôt rugueux, agréable mais reste calibré dans les canons du genre. Ce n'est pas de côté-ci qu'on trouvera l'originalité. On la trouvera surtout dans la forme musicale, où les guitares et l'orgue hammond croisent des instruments plus traditionnels tels la cithare (santour), le luth ou diverses percussions. On pourrait rapprocher cet album du "No Quarter: Jimmy Page & Robert Plant Unledded" ou les 2 compères reprenaient plusieurs morceaux de Led Zep à la sauce égyptienne ou marocaine (très bel album, du reste !).

Mise à part qu'ici Kamil et Mateusz ne sont pas allés aussi loin que Robert et Jimmy. Comme s'ils avaient hésité à prendre résolument une direction. On a ainsi "un peu" de world-music, "un peu" d'ethno, un peu de prog, un peu de metal... bref on a un peu de tout. Mais sans réelle orientation ni parti-pris. Les ballades sont très belles (Lights Out, I'm Open, Wander), ainsi que les morceaux orientalisants (Fly On, Music Box Ballerina) et "metalliques" (Brave New WorldSmell of War). On obtient donc un album bien proportionné, équilibré, qui mixe plusieurs genres, mais on cherche en vain un ou plusieurs titres qui en feraient l'osmose parfaite, une ballade orientalisante metallique, en quelque sorte. On est un peu déçu par défaut: le potentiel dégagé par les compositions laisse entrevoir des promesses que le groupe ne tient pas, du moins sur cet opus. Et c'est de plus en plus évident au fur et à mesure des écoutes: il y a l'étincelle, mais le feu d'artifice ne démarre pas. Dommage.

Reste que ce Hiraeth (mot issu du gallois !.. et qui signifie mal du pays) est un très bon album, pour le moins original et intéressant. Loin des productions formatées, calibrées et carrées, celle-ci propose une belle jonction occident-orient. Le genre d'association que, semble-t-il, seul l'art en général, et la musique en particulier, sont capables de réaliser de nos jours. Quand d'autres ne cherchent qu'à se foutre sur la gueule et nous pourrir la vie.



J-Yves


3/5: *****







Hiraeth 
1. Fly On (4:56)
2. Lights Out (5:15)
3. Brave New World (3:40)
4. Music Box Ballerina (5:00)
5. I’m Open (4:35)
6. Past In Mirror (4:40)
7. Wander (4:00)
8. Infidel Act Of Love (5:05)
9. Smell Of War (4:18)
10. Strongest Breed (4:30)



Lion Shepherd - lionshepherd.net
Kamil Haidar: chant, textes 
Mateusz Owczarek: guitares, compositions
Wojciech Rucinski: basse
Slawek Berny: batterie, percussions

Guests:
Rasm Al Mashan: chant 
Radoslaw Kordowski: orgue Hammond, piano, chant 
Jahiar Azim Irani: santour, chant
Samuel Owczarek: harmonica


photo: (c) Lion Sheperd





mercredi 30 décembre 2015

Catalyst - Miss Burnt

Catalyst - Miss Burnt (12/2015)
Pour la der de l'année, cette chronique sera un peu spéciale. Pas envie de faire un n-ième Top5 (ou 10, ou 20), encore moins un Flop (5, 10, 20..) de l'année; mon Top-2015 est là, dans ce blog: j'aime tout ce que je chronique, et je chronique tout ce que j'aime. Et comme j'ai horreur des redites...
Cette chronique, sous forme de clin d’œil, sera donc essentiellement un grand coup de chapeau à tous ces musiciens, auteurs, compositeurs et interprètes, qui font de la musique en amateurs, dans le sens noble du terme. Des gens qui jouent sur de vrais instruments, qui chantent sans l'aide d'autotune, qui composent et écrivent leurs propres morceaux. S'il y a bien une expression qui me file des boutons, c'est lorsque je lis "cet album, ce film, est fait sans prétention". N'importe quoi: bien sûr qu'il y en a de la prétention !.. De l'ambition aussi (celle de bien faire), de la volonté, de la rigueur, de l'intransigeance et une pincée de présomption (il en faut). Entre autres.
La prétention surtout de posséder sa propre personnalité, sa propre empreinte. Ne pas se contenter de reprendre des standards ou de singer les "vrais" artistes. Artistes qui, pour certains d'ailleurs, se contentent eux aussi de singer leurs aînés voire même leurs contemporains... enfin, passons.
Les Catalyst font partie de cette catégorie, celle qui creuse son propre sillon, trace sa propre voie. Oui je sais, ça fait beaucoup de "propre" en moins de 3 phrases, mais j'en ai acheté tout un stock, je dois les écouler !
Au niveau com', les Catalyst font le minimum syndical: une page facebook, une (mini-)chaîne youtube et un (mini-)compte soundcloud. Point. Pas de bio, pas d'interview, pas d'articles de journaux sur lesquels s'appuyer pour écrire un semblant de présentation. Dur, dur. Un informateur de mon entourage m'indique simplement que le groupe est basé du côté de Marseille (La Ciotat) où ils sévissent régulièrement pour quelques concerts plus ou moins privés. Ce même informateur m'agite sous le nez un CD en me disant: "Tiens, ils viennent même de sortir un CD !.. Ecoute ça, c'est géniaaaal !".
En guise de CD, il s'agit d'un EP de 8 titres, d'une durée de 30 minutes. Auto-écrit, auto-composé, auto-arrangé et auto-produit. Rien que ça. Et effectivement, c'est pas mal (la notion de "géniaaaal" variant suivant les âges et les personnes).

Musicalement, les Catalyst c'est la rencontre entre un groupe de musiciens aguerris, ayant baigné dans le rock des années 70 (et un peu beaucoup dans Pink Floyd, si j'en crois mes oreilles), et une jeune chanteuse, Lisa, qui baigne dans tout ce qu'elle peut écouter. Inutile de se creuser la tête pendant des heures pour savoir d'où vient le nom du groupe, ni pour déterminer qui pourrait bien être cet élément "catalyseur"... Lisa pose sa voix grave, ferme et feutrée (rappelant à l'occasion celle de Scarlett Johansson) sur une rythmique mid-tempo qui oscille entre pop, rock et funk. Oui, ok, mais elle est où cette "personnalité" spécifique au groupe ? me demanderont les plus perspicaces... Et je répondrais sans hésiter: dans le chant. Plus précisément dans le décalage entre la froideur du chant syncopé (certains diront le "flow", ou chant "rap") et la chaleur de la musique à consonance rock. Ce qui donne un petit côté Red Hot Chili Peppers feat. Oasis, un peu dans l'esprit (toute proportion gardée, bien sûr) du "Walk This Way" réunissant les hard-rockers d'Aerosmith et les rappeurs du Run-DMC à la fin des années 80. La rencontre de 2 mondes. 
Et c'est réussi, il faut bien le dire. On prend plaisir à écouter de bout en bout cet EP, aux compositions variées et entraînantes (si on excepte "Cycle", très belle ballade guitare-voix). Quelques défauts, évidemment, mais est-ce bien important ?
Il existe des centaines de groupes comme les Catalyst en France. Des musiciens qui jouent pour leur plaisir, et pour le notre. Avec lesquels on partage notre passion: la musique. Et qui méritent un petit/grand/amical (au choix) coup de chapeau pour ce qu'ils font et ce qu'ils apportent.
C'est le but de cette chronique.

Bonne année.


J-Yves






Miss Burnt
1. Brain fucker (4:20)
2. The hate of waiting (2:58)
3. Burning place (3:53)
4. Miss Burnt (3:08)
5. L'autre (Jack Sparrow remix)
6. Cycle (3:12)
7. Paradise (4:42)
8. Out of my head (5:01)

Catalyst -  www.facebook.com/TheCatalyst22

Bernard Aimar: basse
Pierre Catala: guitare, compositions
Lisa "Vinscat" Vinotti: chant, textes, compositions
Gilles Grégoire: batterie
Marc Zobel, Claude Ankry: claviers
Tchois: Saxo

Manon: l'informateur.

photo: (c) Catalyst






mardi 8 décembre 2015

Ane Brun - When I'm Free

Ane Brun - When I'm Free (09/2015)
Ane Brun, de son vrai nom Ane Brunvoll, est une songwriter (auteur-compositeur-interprète) norvégienne, qui a longtemps vécu dans sa ville natale, Molde, mais qui s'est installée depuis près de 15 ans en Suède (Stockholm). Après 2 EPs en 2001, elle sort son premier album studio, "Spending Time with Morgan" en 2003. En Europe du nord elle connaît le succès assez rapidement, ses albums étant régulièrement disque d'or ou de platine. En parallèle, elle multiplie les collaborations, entre autre avec Ron Sexsmith et les français de Syd Matters. Mais celle qui la révèle au grand public est sa participation aux albums "Scratch My Back" et "New Blood" de Peter Gabriel (2010-2011), qu'elle accompagne aussi en tournée, partageant le chant avec Mélanie, la fille de Peter
L'univers musical d'Ane est fait de poésie, de tendresse et de délicatesse. Elle fait partie de cette catégorie de chanteuses-compositrices au charme discret, qui s'appuient sur une large palette allant de la folk acoustique à la pop/world electro en passant par le jazz ou l'americana, pour mettre en avant leur voix douce, aérienne et profonde. Qu'elles se nomment Feist, Heather Nova, Beth Orton, Sarah Blasko, Neko Case, Christine McVie ou Dido, elles ont en commun de proposer des chansons subtiles, élégantes, mélodieuses et d'une rare intensité. S'accompagnant d'une guitare, d'un piano, d'une boîte à rythme ou d'un groupe au complet, leurs compositions ne sont jamais superficielles ou futiles. Il serait d'ailleurs faux de croire que l'accent est mis essentiellement sur le texte et la voix: les orchestrations et les arrangements sont souvent de petites merveilles de précision et de finesse.
S'il a bien une chose sur laquelle il ne faut surtout pas s'attarder sur ce "When I'm Free", sixième album de la jeune femme, c'est la pochette !.. A sa vue, on peut s'attendre au pire: musique kitsch qui nous ramènerait au pire des années 80, ou encore à de la soupe indigeste à la Katy Perry et toute cette daube. Rien de tout ça bien sûr, sinon on n'en parlerait pas ! Alors c'est vrai: il y a un problème avec cette pochette... passons.
Car le plus important, comme toujours, c'est le contenu. L'album débute par les cordes de violons, rejoints par une boîte à rythme, où la voix grave et froide des couplets décolle, sur le refrain, vers les sommets pour devenir pure et cristalline. Le ton est donné: alliant fragilité et fermeté, le chant est représentatif de cette force intérieure qui inonde Ane, et qui lui permet de surmonter les épreuves que lui fait subir la maladie depuis de longues années. Une maladie qui, loin de la neutraliser dans un statu quo musical, la pousse au contraire à explorer encore et toujours de nouvelles pistes, de nouveaux paysages sonores. Il en est ainsi de ce "Directions" dansant, aux accents trip-hop, de ce surprenant "Shape Of a Heart" orientalisant, ou encore de ce "Better Than This" assez (Kate-)Bushien. Mais le point fort d'Ane reste la balade. Difficile de résister à la beauté poignante d'un "Still Waters", à la tristesse émouvante d'un "Miss You More", à la douce mélancolie d'un "Black Notebook". Sans parler du "Signing Off" final, où la guitare et la voix sont en apesanteur, et où le temps semble s'arrêter.
Voilà, inutile d'en dire plus. On aime des riffs de guitare rageurs sur des rythmiques puissantes, ou l'inverse. Mais de temps en temps on apprécie d'aller à l'essentiel. Et l'essentiel est là: intensité, beauté, émotion. Chuuut...



J-Yves


4/5: *****







When I’m Free - Ane Brun 

1. Hanging (5:38)
2. Black Notebook (3:58)
3. You Lit My Fire (4:57)
4. Directions (3:15)
5. Shape Of A Heart (3:40)
6. Miss You More (3:36)
7. All We Want Is Love (4:23)
8. Still Waters (5:25)
9. Better Than This (5:34)
10. Signing Off (5:30)










dimanche 6 décembre 2015

Amadeus Awad - Death is Just a Feeling

Amadeus Awad - Death is Just a Feeling (08/2015)
Voici un album qui nous vient du Liban - une fois n'est pas coutume. Il s'agit cette fois du projet d'un multi instrumentiste Amadeus Awad dont le véritable nom est Ahmad Awad. C'est lui qui a créé ce concept album, "Death Is Just A Feeling", faisant suite à une expérience qu'il a vécu et qui en l'occurrence se rapprochait au plus près de la mort.
Ce virtuose libanais est souvent présenté comme le Arjen Lucassen du Moyen-Orient, chose que j'avais constaté lorsque j'avais eu en main son excellent premier album "Time Of The Equinox" (2012) et un EP, "Schizanimus", qui ne m'avaient pas laissé indifférent, loin de là. 
Pour ce qui concerne ce nouveau message discographique, le musicien s'est entouré de quelques invités (et non des moindres) qui l'ont aidé à réaliser cette nouvelle oeuvre conceptuelle. La belle Anneke est de la partie, ainsi que Marco Minneman (batterie) et Arjen lui-même (entre autres). Vous parlez de belles pointures ! Arjen demeure en quelque sorte la référence et une des principales sources d'inspiration d'Amadeus Awad.
Comme c'est souvent le cas, ce concept-album a pour fil conducteur un narrateur. Ici il s'agit de Dan Harper, qui se charge de créer la liaison entre certains titres.
Huit compositions émaillent ce bien joli album, les deux dernières étant issues de disques précédents.
Ce "Death Is Just A Feeling" regorge d'ambiances "prog" à la Lucassen, mais pas que. Amadeus a bien digéré toutes les musiques qu'il a dû entendre au cours de sa vie, pour les recréer à sa manière. Cela passe précisément par des petits climats légèrement "fusion" comme sur "Monday Morning" où l'on entend bien les "drums" bien cadrés et les frappes de Minneman.
"Tomorow Lies" est une compo nettement plus "prog" dans laquelle les claviers, les guitares et les orchestrations  d'Amadeus prennent ici leur véritable envol. Sur le morceau suivant on ne peut qu'être conquis par la présence d'Anneke, qui illumine totalement par son aura la pièce centrale de l'album: "Lonesome Clown". Sur ce titre très "lucassien" (c'est d'ailleurs le plus long du disque: 12 minutes très intenses) la chanteuse réalise une fois de plus une prestation prodigieuse. Comme d'habitude, serons-nous tenté de dire...
Le dernier titre, "Temporary" (puisque les deux suivants sont des reprises), flirte un peu avec le "prog/fm" avec son solo de clarinette à la Supertramp mais un tantinet orientalisant. Awad en profite pour y envoyer un super solo de gratte.
Les deux derniers morceaux sont puissants et sur "Poetry Of Time" Amadeus signe peut-être son plus beau solo de guitare. 
Bref je ne sais pas si "la mort est juste une sensation", mais la vie quant à elle vaut d'être vécue. Surtout lorsqu'on écoute ce genre d'album qui redonne du baume au cœur - nous réconfortant quant à la bonne santé et à la vivacité de notre genre de prédilection.

Ecrit par Dany

5/5: *****







https://www.facebook.com/amadeus.awad.official

Amadeus Awad: Acoustic, Electric & Bass Guitars, Keyboards and Orchestration. 
Anneke Van Giersbergen: Vocals. 
Arjen Lucassen: Vocals. 
Elia Monsef: Vocals. 
Marco Minnemann: Drums on Tracks 2, 3, 5 & 6. 
James Keegan: Drums on Track 4. 
Nareg Nashanikian: Cello. 
Rafi Nashanikian: Clarinet. 
Dan Harper: Narration.

Death Is Just A Feeling
01. Opia (5:38)
02. Sleep Paralysis (5:45)
03. Monday Morning (4:35)
04. Tomorrow Lies (8:42)
05. Lonesome Clown (12:29)
06. Temporary (8:36)
07. Time Of The Equinox (Bonus Track) (3:45)
08. Poetry of Time (Bonus Track) (10:20)