jeudi 31 mars 2016

Travis [Everything At Once] - Nada Surf [You Know Who You Are]



Travis 
Everything at Once *****



Face au succès, il y a ceux qui perdent les pédales, la tête et qui explosent en vol. Il y a ceux qui font tout pour rester sur la vague, quitte à faire des concessions et à renier leurs convictions premières. Et puis il y a ceux, comme les Ecossais de Travis (Glasgow) qui n'y prêtent pas plus attention que ça, qui savent garder les pieds sur terre, ou du moins savent prendre le recul nécessaire.
Presque 30 ans de carrière (le groupe s'est formé en 1990), et seulement 7 albums studio, dont une large pause au début des années 2000 pour justement encaisser le formidable succès rencontré coup sur coup par "The Man Who" (1999) et surtout "The Invisible Man" (2001) et son fameux "Sing". Trois ans après "Where You Stand" (2013), voici "Everything at Once" qui sortira à la fin du mois d'avril.
Le style de Travis reste le même, quelque soit l'époque ou le temps qu'il fait: une pop mélancolique, légèrement désabusée et désenchantée, sans être sombre ni morose. Des mélodies toujours pointues et délicates ("What will Come", "All of the Places") où la voix de Fran Healy apporte toute sa sensibilité. Si "Magnificent Time", le titre le plus entraînant, nous fait penser aux voisins The Silencers, le reste de l'album ne s'éloigne pas de la ligne directrice que suit le groupe depuis tant d'années. Les instruments ne jouent jamais trop fort chez Travis, les débordements sont rares (étonnant "Radio Song", avec des riffs de guitare !). Paradoxalement, alors que le groupe reste un des maîtres du format court couplet-refrain, aucun titre ne sort du lot. Il faut plusieurs écoutes pour apprécier pleinement la richesse de ces 10 trop courtes compositions (qui atteignent péniblement la 1/2 heure !), pour s'imprégner des délicates "3 Miles High" et "Idlewild" ou se laisser titiller par l'énergie toute en retenue d'un "Paralysed", aux faux airs de Coldplay.
L'élégance et la discrétion restent de mise pour ce groupe qui sait conserver intactes son sens des mélodies hors du temps, raffinées et subtiles.





Everything At Once
1. What Will Come (2:56)
2. Magnificent Time (2:50)
3. Radio Song (2:59)
4. Paralysed (2:49)
5. Animals (3:43)
6. Everything at Once (2:59)
7. 3 Miles High (2:46)
8. All of the Places (3:31)
9. Idlewild (ft. Josephine Oniyama) (3:52)
10. Strangers on a Train (4:52)


Francis Healy: chant, guitare
Andrew Dunlop: guitare, banjo
Douglas Payne: basse
Neil Primrose: batterie, percussions









Nada Surf
You Know Who You Are *****



Nada Surf - You Know Who You Are (03/2016)
Si le style musical change, il existe pas mal de similitudes entre les écossais de Travis et les new-yorkais de Nada Surf: même période de formation (tout début des années 90), même succès planétaire (avec leurs tube "Always Love") et même façon de gérer leur notoriété, leur façon de mener leur barque et de conserver leur line-up (enfin presque: le trio s'est transformé en quatuor en 2012). Et, pour finir, le même nombre d'albums studio au compteur: 7 !
Après un réussi "The Stars are Indifferent to Astronomy" en 2012, ce "You Know Who You Are" ne déstabilisera pas les inconditionnels du groupe. Depuis leur premier album, les Nada Surf savent proposer un rock qui mélange subtilement énergie ("You Know Who You Are", "New Bird"), mélancolie ("Believe You're Mine", "Friend Hospital"), insouciance ("Rushing", "Out of the Dark"), tristesse, gaieté, bref, une musique qui retranscrit parfaitement les aléas de la vie de tous les jours. Les mélodies sont plus directes que chez Travis, d'aspect plus simple, moins sophistiquées. Les guitares savent tour à tour se faire violence ou douceur, quand la voix de Matthew Caws respire l'éternelle jeunesse. 
Comme on en a maintenant l'habitude, les Nada Surf passent leur nez par la fenêtre, nous délivrent leurs 40 - 45 minutes de pop-rock léger, positif, agréable, sans matières grasses. Les mauvais coucheurs continueront d'affirmer qu'il n'y a toujours rien de nouveau à l'horizon. Nous, de notre côté, prenons toujours autant de plaisir à écouter la chose. On a l'air d'être assez nombreux dans ce cas: leurs dates françaises en avril prochain affichent un beau taux de remplissage, pour ne pas dire qu'elles sont sold-out... 
 




You Know Who You Are
1. Cold to see clear (4:06)
2. Believe you're mine (4:35)
3. Friend Hospital (4:58)
4. New bird (3:00)
5. Out of the dark (3:44)
6. Rushing (4:05)
7. Animal (5:15)
8. You know who you are (2:25)
9. Gold sounds (4:57)
10. Victory's yours (3:45)



Nade Surf: www.nadasurf.com
Matthew Caws: guitare, chant
Daniel Lorca: basse
Ira Elliot: batterie
Doug Gillard: guitare





J-Yves









jeudi 24 mars 2016

Onségen Ensemble - Awalaï

Onségen Ensemble - Awalaï (01/2016)
Onségen Ensemble a vu le jour à Oulu, au nord-est de la Finlande, au début des années 2000. Les membres qui composent le groupe proviennent de divers horizons musicaux: jazz, stoner, prog et black metal. Comme ils le disent eux-même, ça leur a prit un certain temps avant que ce mélange pour le moins hétéroclite, cette graine musicale, pousse correctement pour donner naissance au bel objet que voici: "Awalaï".
En majorité instrumental, l'album retranscrit parfaitement cette mixité des courants. Tantôt metal, psychédélique, atmosphérique ou encore post-rock, on ne peut que saluer la virtuosité des musiciens et savourer la complexité des compositions. Difficile de sortir un titre du lot, entre un "Juuvaara" aux guitares aériennes et à la ligne de basse frénétique et entetante, un "Kuuhanka" qui cache son jeu avec une longue intro en suspension qui se transforme en metal aux limites du death, chant rauque et guttural alternant avec des voix d'enfants (ou d'elfes ?), en passant par un "Awalaï" très atmosphérique, nette tendance space-rock ou enfin un "Solei" et ses 9 minutes aux multiples ambiances et couleurs, le titre le plus progressif de l'album.   
On pourrait croire (ou craindre) que la variété des styles engendre un truc un peu foutraque, à l'emporte-pièce, où les morceaux ne sont qu'un empilement de thèmes successifs. Il n'en est rien: les structures complexes et les architectures à tiroirs, alliées à une technique de haute volée et une production de très grande qualité, feront à n'en pas douter le bonheur des amateurs de musique "hors norme" et inclassable, en un mot qui sort du lot.

Et sortir du lot, ça nous plaît !


J-Yves


4/5: *****







1. Juuvaara 06:05
2. Kuuhanka 06:38
3. HK7 07:00
4. Awalaï 08:44
5. Solei 09:05
6. HottoizzoH 04:53



samedi 19 mars 2016

Amphetamin - A Flood of Strange Sensations

Amphetamin - A Flood of Strange Sensations (02/2016)
"L'amphétamine est une substance sympathomimétique aux effets anorexigènes et psychoanaleptiques. Dans la plupart des pays du monde, l'amphétamine est considérée comme un stupéfiant." (wikipedia).
Stupéfiant, voilà le mot que je cherchais !
Mais commençons par le début: Amphetamin est un projet musical de Post-Prog français (Reims), créé par Sebastian puis renforcé en 2008 par Morgan (basse) et l'homme mystère "?" (batterie). Le trio va d'abord sortir un EP, "Substitute" (2010) puis un album "At the dawn of twilight" (2013).
Pour ce "A Flood of Strange Sensations" sorti le 7 février dernier, Sebastian a tout réalisé de A à Z: écriture des compositions (textes, musique, orchestrations), prise en charge de l'enregistrement, du chant, de l'interprétation (il joue tous les instruments présents sur les morceaux), s'est occupé du mixage, du mastering et enfin a réalisé la pochette !
A ce stade, on se dit que fatalement il doit y avoir un ou plusieurs points faibles: difficile, quand on fait tout, d'être performant dans tous les domaines. Honnêtement, après un nombre important d'écoutes, je n'ai trouvé (techniquement parlant) aucun point faible à cet album. Alors ok, je n'ai aucune légitimité: je ne suis pas du métier, je ne suis qu'un simple auditeur attentif, mais à mon petit niveau je n'ai noté aucun défaut flagrant. Depuis les compos jusqu'à la production en passant par l'interprétation, tout est nickel et sans bavure. Chapeau bas.
Lorsqu'il présente son album (et là pour le coup, c'est vraiment le sien !), Sebastian parle d'un "opus épuré, dans le sens où il n’y aura pas de guitare et de synthé au même moment, pour un rendu plus brut et un live plus efficace. Cependant, l’album sera nuancé par une guitare dotée de différentes couleurs liée à une recherche de sons plus importante. L’album nécessitera, je pense, plusieurs écoutes avant de pouvoir se l’approprier. Lorsque vous l’écouterez, vous ressentirez diverses émotions, et notamment un flux de sensations étranges.".
Pour les amoureux de technique, Sebastian explique qu'il n'a utilisé qu'une seule guitare, une Rickenbacker 360, une Precision bass de chez Fender et un Micro Korg XL+ pour les lignes de synthé. A l'écoute de la chose, il est difficile de croire que seulement 3 instruments sont à l'oeuvre !
En tout cas je confirme: il faut réellement plusieurs écoutes pour bien s'imprégner de l'ambiance générale et découvrir en détail les multiples briques qui composent cet album polymorphe.
Il serait trop facile de résumer l'ambiance à un simple état mélancolique, sombre, voire déprimant. Il y a de ça, bien sûr, mais aussi tout un tas de sensations ambiguës, contradictoires et étranges. Cet album n'est pas un long fleuve tranquille, bien au contraire, et il faut une réelle volonté (du moins lors des premières écoutes) pour parvenir à la fin du voyage. J'avoue m'y être repris à plusieurs fois avant d'écouter le tout d'une traite (l'album dure 1 heure). Les riffs lourds, puissants, alternent avec des arpèges plus aériens (cf. l'excellent "Once Upon a Tree" ou le captivant "Endless Nights") pour une atmosphère en noir et blanc, toute en nuances de gris, assez proche en cela de ce que peut proposer Opeth. Le rythme des compositions est lent: exceptés "The Haunted One", "Favourite Doll" et "Ghostly Place", on est dans un tempo plutôt spécifique au doom ou au death. Et le chant, aux multiples facettes là encore, demande lui aussi une certaine adaptation. Plusieurs passages nous rappellent Matthew Bellamy (Muse), ce qui est assez flagrant sur "Ghostly Place". Mais pas que. Si les voix féminines haut perchées sont répandues dans le metal, il n'en est pas de même des voix de tête masculines. Imaginez un chanteur de groupe de disco des années '80 ou plutôt celui des Communards (le petit blondinet, me rappelle plus son nom... si vous voyez pas qui c'est, c'est pas grave, vous n'avez rien loupé...) qui se mettrait à chanter sur du My Dying Bride. Je parle de la tonalité de la voix, bien sûr. Bien évidemment que Sebastian ne sautille pas dans tous les sens en remuant les fesses et en chantant "yooooou make me feeeel...", m'enfin !
Redevenons sérieux, ça dérape sévère, là. 
Les compositions riches, aux formes et aux structures changeantes (aucun format classique couplet-refrain) se succèdent pour former un ensemble cohérent et fluide. Il n'en est pas fait état dans sa présentation, mais on peut légitimement considérer cette oeuvre comme un concept-album, elle en a en tout cas tous les ingrédients. Y compris ce qu'en général on a tendance à leur reprocher: quelques longueurs inutiles. C'est le seul bémol qu'on posera. 
J'ai mis du temps à écrire cette chronique, de par la difficulté à aborder cet ovni. Il faut s'accrocher au départ, outrepasser quelques à priori et réticences (le chant pour ma part), et si on y arrive on reste subjugué par la qualité et la profondeur du propos. Une très belle réussite.
Autant dire que cet Amphetamin est... stupéfiant.



J-Yves


4/5: *****








A Flood of Strange Sensations - amphetamin.bandcamp.com
1. Devotion (4:35)
2. The Threshold (4:20)
3. Once Upon a Tree (5:35)
4. Stranger on an Island (4:58)
5. Endless Nights (4:55)
6. The Haunted One (7:40)
7. Neverland (4:50)
8. Favourite Doll (4:55)
9. Thoughts in the Water (6:00)
10. Ghostly Place (4:42)
11. Different Colours of Tears (7:25)



Amphetamin www.facebook.com/Amphetamin
Sebastian: tout !.. Vocals, guitar, keyboards, production, lyrics, music, design 













vendredi 18 mars 2016

Chroniques Nordiques (I): The Muddies - Fubear - Naryan

Chroniques Nordiques

Les pays nordiques (Finlande, Norvège, Suède) sont de très gros pourvoyeurs de groupes de prog, metal-prog, doom... la liste est (trop) longue. Difficile de suivre le rythme des sorties d'albums, encore moins d'avoir le temps d'en écrire des chroniques détaillées. Ces Chroniques Nordiques ont donc pour but de souligner les sorties intéressantes, tout en essayant de coller au plus près à l'actualité.



The Muddies - First Blood - *****


The Muddies - First Blood (04/2016)
Groupe Finlandais basé à Vaajakoski, The Muddies proposent avec "First Blood" leur premier album studio (sortie le 01/04). Le rock du quatuor est énergique, lourd et puissant, de format "classique": du bon vieux hard-rock dépoussiéré auquel on aurait appliqué un lifting de première classe. Les compositions sont directes, compactes: les morceaux dépassent rarement les 2'30, et l'ensemble des 12 titres s'étire sur... 32' ! Mais durant cette demie-heure, on en prend plein les oreilles, à tel point qu'on en redemande. 
Le genre d'album qui rend fou les voisins, n'arrange pas vos acouphènes tout en vous filant une patate d'enfer.
Pour les adeptes d'AC/DC, Airbourne ou de The Answer


"We are the Muddies, gonna make you sweat !"





1. Cougar Hunter (3:46)
2. Drag Race Queen (2:00)
3. River (2:45)
4. Rambo (2:22)
5. Helicopter (2:52)
6. Wacko Wacko (1:41)
7. Keep Running (3:54)
8. Explosion (2:10)
9. I Want Something (1:58)
10. Don't Touch Your Dick With The Chili Hands (2:26)
11. Shaken not Stirred (1:43)
12. We Are the Muddies

Konsta Kupiainen: lead vocals & guitar 
Arto Kupari: guitar & vocals 
Jaska Jaska Ohvanainen: drums & vocals 
Puntti Siukola: bass & vocals




Fubear - III - *****
Fubear - III (03/2016)
Fubear est un "power-trio" finlandais (Jyväskylä) formé en 2012. Ils sortent leur 1er EP "First Time You’re Alive" en 2013, puis "Hopeless" en 2014. Ils viennent de sortir leur 3ème EP, sobrement intitulé "III". Loin de signifier un manque d'inspiration, les 3 titres qui composent ce mini-mini-album (enregistrés en un seul week-end) reposent sur un rock lourd et puissant, entre grunge et stoner. Le morceau qui donne son nom à l'album, ("III" donc, pour ceux qui n'auraient pas suivi...), s'étire sur plus de 9 minutes, s'appuie sur des riffs éléphantesques sur lesquels une guitare s'aventure quelquefois vers des contrées psychédéliques. Impressionnant !
Jamais bourrin, encore moins binaire, ces trois-là jouent comme s'ils étaient 6 et méritent incontestablement le détour.



1. Half Alive (4:15)
2. Demons (4:20)
3. III (9:30)
S. Karppinen: vocals, bass 
M. Rasa: guitars 
V. Österberg: drums









Naryan - Black Letters - *****

Naryan - Black Letters (01/2016)
Changement de registre avec Naryan, encore et toujours basé en Finlande (Tampere). Fondé au début des années 2000, il faut attendre 2013 pour les voir sortir leur premier album "Naryan" (pourquoi faire compliqué..).
Après quelques changements de line-up - le groupe se compose aujourd'hui de 7 membres - "Black Letters" est sorti en janvier dernier. Ils définissent eux-même leur musique comme du "metal / rock mélancolique". En fait des grosses guitares laissant plus souvent qu'à leur tour la place à un violon ou une flûte, le tout accompagné d'un chant masculin-féminin "classique" et assez doux dans l'ensemble (du moins pour le genre en question), pour une ambiance somme toute très irlandaise. Pour faire simple, imaginons que Within Temptation se sépare, le temps d'un album, de sa chanteuse Sharon den Adel et de sa voix puissante, pour la remplacer par les 3 sœurs de The Corrs. Ce n'est pas désagréable, l'ensemble est mélodieux et très bien interprété. Ceci dit, la vidéo qui suit illustre bien les points faibles de l'album: on n'évite pas les clichés du genre et le côté "mélancolique" est un peu trop poussé, voire même caricatural parfois. Les compositions sont assez linéaires, et il est difficile de rester attentif durant les 50 minutes de l'album.



Black Letters
1. Black Letters (4:27)
2. My End Leaf (4:34)
3. Frost (4:55)
4. I Promise You (5:30)
5. In Silence (4:05)
6. Together in This (5:40)
7. Misery (4:45)
8. Sleeping Beauty (4:30)
9. Hey Girl (5:45)
10. 764 (7:20)

Lauri Kovero: Guitar 
Ville Korhonen: Vocals 
Raino Ketola: Guitar 
Eveliina Sydänlähde: Bass, flute, backing vocals 
Nona Onnela: Violin 
Tuomas Ilomäki: Keyboards 
Paul Rytkönen: Drums
 
(c) naryanband.com



Suite à notre prochain épisode...




J-Yves